Le livre

Introduction

Bien des personnes qui se sont passionnées pour leur métier pourraient, sans tomber pour autant dans le plagiat, reprendre à leur compte ce titre pour l’adapter à la profession qui fut la leur. Peut-être est-ce le début d’une nouvelle collection ? Après le parcours très imprévu qu’il m’a été donné de vivre, j’ai bien envie de répondre : pourquoi pas !

Il est banal en effet, quand l’heure de la retraite sonne, d’être tenté d’écrire ses « mémoires ». Là aussi j’ai envie de dire, pourquoi pas !

Que de richesses emmagasinées durant une vie active ne se sont-elles pas ainsi évaporées ? Pour cette raison, et pour le simple plaisir de les faire partager, on se doit, me semble-t-il, de les transmettre. Lâchons le mot, c’est un devoir de mémoire. Ce sont des repères, dont on se prend à découvrir aujourd’hui la valeur et la place dans la société, que l’on sème ici et là. Sans eux, il n’est pas exagéré de dire ici qu’il m’aurait été impossible de construire cette carrière professionnelle.

Le but recherché dans ce livre est double : d’une part témoigner, il y a peu de temps encore, de la complexité « passionnante » de ce métier, et d’autre part aider, dans la mesure du possible, les jeunes à prendre place dans la vie active en les incitant à s’appuyer sur le savoir-faire de leurs prédécesseurs. Vaste programme sans doute mais on peut toujours le tenter.

Durant toutes ces années, j’ai écouté, regardé, appris parce que tout simplement j’avais tout à apprendre. Longue histoire remplie de richesses et de découvertes que j’aimerais vous conter dans les pages qui vont suivre. Une sorte de « gazette » en somme.

Quel jeune de 19 ans aurait imaginé que répondre à son père « l’imprimerie ? Pourquoi pas ! » le mènerait sur le chemin professionnel qui fut celui qui va suivre ? Chemin incertain certes, mais combien « passionnant ». Toutefois, avant que cette « passion » puisse s’enraciner, il lui faudra passer par la porte étroite du métier et se plonger dans les méandres d’un long tunnel de difficultés.

Pour ceux qui ignorent le quoi et le comment d’un imprimé, il me semble important de préciser que dans le milieu professionnel que sont les Arts & Industries Graphiques, milieu auquel je suis fier d’avoir appartenu, nous travaillons avec exigence et amitié.

Exigence parce que cette grande profession doit faire rimer, ce qui pourtant semble incompatible, qualité avec subjectivité. Que faut-il entendre par ces deux mots ? Dans toute fabrication, la qualité est dite « mauvaise » parce que ça ne marche pas ou parce que ce n’est pas bon ! Mais sur quels critères la qualité d’impression d’une annonce publicitaire est-elle déclarée « mauvaise » ? Pour beaucoup, surtout s’il s’agit de clients à fort budget, ces critères de jugement sont subjectifs.

Pour changer la donne et éviter que le déclaré mauvais soit dépendant de l’humeur du jour, il a fallu, pour un bon nombre de passionnés que nous étions (et sommes toujours), transformer subjectivités en données techniques. Ce fut un long travail de recherche, de patience et de collaboration qui n’a pu se réaliser qu’en apprenant le métier depuis ses fondements. Ne rien négliger dans notre soif du savoir : de Gutenberg à la PAO, comme de la vapeur au TGV, ou de la carte perforée au pentium IV.

Exigence encore, parce qu’il a fallu conquérir chaque avancée technique pas à pas, avec pugnacité, se moquant ici et là des réflexions que l’on peut entendre devant le résultat décevant d’une feuille fraîchement imprimée : « Mais les lecteurs ne s’en apercevront pas », réflexions qui ne sont autres que des éléments de déstabilisation dont il ne faut surtout pas tenir compte.

Et enfin amitié parce que cette exigence, pratiquée très souvent avec agacement, énervement même, s’exerçait toujours dans une ambiance coiffée d’amitié, celle-là même que je retrouve intacte plus de dix ans après mon départ en retraite.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce n’est pas le but de ce livre d’y répondre. Par contre, une constatation des faits, un but obsessionnel à atteindre s’imposent à bon nombre de chercheurs. Dans tout ce qui touche à l’imprimerie, il est coutumier de parler de la chaîne graphique, chaîne qui va de la conception [maquette, photos, texte] au produit fini étalé dans les kiosques ou librairies. Mais qui dit chaîne dit maillons. Et ces maillons ne sont pas toujours, loin s’en faut, reliés entre eux.

Pour que ce métier garde tous ses titres de noblesse, il faut et il suffit qu’il y ait à la tête de chaque maillon de la chaîne graphique, un professionnel dont une des qualités essentielles serait d’avoir une écoute et un regard attentifs sur les maillons qui se situent en amont et en aval de celui, précieux, qui est le sien. En ce qui me concerne je n’ai jamais pu envisager de faire autrement. Ainsi, grâce à la collaboration de tous, les maillons ci-dessus évoqués ne furent pas interrompus.

Parmi les amis nombreux, que j’ai toujours grand plaisir à retrouver, il y en a un, Daniel, qui, au cours des rencontres professionnelles diverses et récentes, m’a dit : « Tu devrais écrire un bouquin ! » L’idée a germé sans trop prendre corps. Puis une deuxième fois, lors d’une autre rencontre, il est revenu à la charge en insistant : « Alors ! Quand est-ce que tu l’écris ce bouquin ? » Cet appel du pied a fait que je me suis lancé dans l’aventure… Aventure qui ne fut pas sans richesses et qui procura à celui qui vous parle, un plaisir véritable.

Machinalement, sans intention alors de concrétiser le projet, je me suis mis à chercher un titre pour rapidement aboutir, après concertation et avis de mon épouse, à celui que vous avez sous les yeux. Il ne restait plus qu’à faire travailler les neurones de ma mémoire, à y mettre un peu d’ordre et à m’installer au clavier de l’ordinateur. Tout au long des pages qui vont suivre, j’ai souhaité habiller mon récit d’anecdotes et de références de valeurs transmises par les anciens et trouvées dans ma bibliographie personnelle. C’est à dessein aussi que je me suis efforcé d’être accessible à tous, professionnels ou non. Que les premiers ne s’impatientent pas trop de certains détails techniques qu’ils connaissent déjà. Que les seconds me pardonnent les passages où, pour garder la cohérence du récit, il me fut nécessaire de développer bon nombre de noms et d’explications techniquement inconnus pour eux. Je n’aurai de cesse de maintenir un juste milieu en pensant aux premiers comme aux seconds.

Premier ouvrage qu’il faudra lire avec un A apposé sur la 4e de couverture, comme celui des nouveaux conducteurs sur la vitre arrière de la voiture.

Puisque Daniel m’a incité à prendre la plume, ou plutôt, aurais-je envie de dire, le composteur, il m’a paru logique de lui laisser la parole pour qu’il en écrive lui-même la préface même si notre parcours professionnel, durant ces longues années, n’a jamais permis une collaboration proche.

J’aimerais, pour terminer cette introduction, dédier cet ouvrage :

À tous les amis de la profession que j’ai fait souffrir pendant ces longues années ; ils savent que c’était pour le bien de l’imprimé.

À mon épouse qui a su, à travers des horaires difficiles, garder patience et porter intérêt à tout ce que je faisais.

À mes parents sans lesquels, par l’éducation qu’ils m’ont donnée, je n’aurais jamais pu arriver à la fin de cette carrière avec ce sentiment tout simple : celui d’avoir aimé ce que je faisais.

À notre fille Sandrine Delordre, dont les talents acquis sur les bancs de l’ASFORED ont permis de présenter ce récit dans une belle mise en pages.

Bruno Lancelot

Extrait du livre "Passion d'un métier : l'imprimerie"

Cliquez sur une photo pour passer en mode galerie.